vendredi 14 mai 2010

Il n'y a pas de lieu, il n'y a plus de temps

Et ce sera des jours, et des soirées, et des nuits, ou toutes ces nuits comme celle-là, avec des questions comme celle-ci, mais pourquoi ne nous sommes-nous jamais rencontrés, pourquoi les mots se cherchent et ne se trouvent pas, les instants passent et ne se vivent pas, et toi que je n’aurais jamais en face de moi, est-ce que je pourrais t’atteindre. C'est à peine triste, et plutôt navrant, mais il n’y a rien à pleurer, et surtout pas de larmes qui me viennent, de ne t’avoir jamais rencontré, toi que je ne sais ; c’est courir la facilité, s'étendre dans le pathétisme que de raconter ces regrets qui donnent un succédané de rêve à une existence ; c'est comme une vie manquée ou un rêve confus qui se perdrait entre deux éclipses du sommeil. Il aurait fallu se rencontrer ailleurs que dans cette collectivité où le jugement habille la personne, dans cette large allée où les arbres se mêlent aux ombres qui passent, ou dans cette toute petite rue grise comme dans nos têtes. Peut-être pas là-bas où ton indolence se prélasse sur le sable, pas avec toutes ces filles et cette légèreté qui se dilue dans l’été. Non plus que dans ce bar, avec tes amis, et leurs boutades, et ton cynisme. De quoi d’autre aurions-nous parlé si tu t’étais assis à côté de moi dans l’amphithéâtre que d’un sujet aussi clinique que les examens ; peut-être au conservatoire ou au théâtre, si seulement je jouais d’un instrument, mais je n’ai même pas un rôle à moi ; la bibliothèque, le cinéma, le musée, où il n’existe que des chimères et rien d'aussi réel que toi qui pourrais l'être; les soirées excitantes en attente de la vie, celle des autres filles qui dansent et qui t’embrassent. Où aller et que faire de son temps, s’il n’y a pas et n’y aura jamais ni de lieu, ni de temps où te rencontrer. S’il n’y a personne, ni rien, ni que dalle que des mots fatigués qui s’emballent et qui se traînent jusqu’au silence

dimanche 2 mai 2010

La peur

Tu étais là pour moi.
Ce n’est pas que j’étais seule, mais tu avais pensé à moi, tu m’avais écrit, invité, et ouvert la porte. Et moi, j’avais soigneusement préparé mon retard pour ne pas que tu crois que je pensais aussi à toi. Mais j’avais pensé à toi ; je t’avais trouvé un cadeau qui te correspondait, je m’étais achetée une jolie robe, et je nous avais apporté à manger.
Je ne peux pas penser à toi sans avoir peur, alors je l’avais apportée aussi, elle était là au fond de mes yeux. Je ne t’ai pas regardé une seule fois à cette soirée ; Si, peut-être une fois, une fois seulement, et à ce moment là, tu me regardais aussi. Mais ça, je ne sais pas faire ; je ne sais pas regarder quelqu’un comme il le voudrait. J’ai vu que tu me désirais, et c’est cette peur là qui m’a fait baisser les yeux.
Peut-être conscient de cette peur, tu avais cherché à me rassurer avec tous tes amis, tous ces jeux, et toute cette joie de groupe. Tu t’étais posé en garde-fou au cas où ma timidité s’effaroucherait devant tant de compagnies joyeuses. Ma chaise était à côté de la tienne, et tu te tenais à la disposition de tout isolement. Mais je suis une fille bruyante, qui adore plus que tout le monde, et sa nouveauté, et sa diversité. Tous ces rires, cette légèreté, et cette bonhomie m’ont plu. Je t’ai laissé me regarder assis sur ta chaise pendant que je partais à la découverte de tous ces autres qui étaient tes amis. Puisqu’ils me considéraient comme ton amie, ils ont aussi cherché à gagner mon affection toute prête. Tu m’as découvert gaie, spontanée, et amicale, mais pour toi, je n’avais gardé nulle intimité. Je n’en ai pas pour les autres ; cette intimité, je la préserve lorsque je suis là, à penser à toi, loin de tout soupçon.
Quand j’ai voulu suivre une de tes amie jusqu’à chez elle, tu as proposé que nous allions tous l’accompagner. Et lorsqu’elle nous a invité chez elle, tu as accepté pour me faire plaisir. Au bout d’une heure, las, tu m’as demandé si je voulais qu'on rentre, et j’ai du me résoudre à reconnaître tes efforts et accepter.
Le groupe s’est démantelé, et à la fin, nous n’étions que trois à rester dormir chez toi. J’ai découvert ta chambre. Et j’ai compris que je ne trouverais peut-être jamais plus de garçon avec qui je partagerais autant d’amour pour les mêmes livres, les mêmes musiques, et les mêmes peintures. Mais la peur en moi s’est renforcée devant tant de ressemblances ; c’est que tu étais fait pour moi.

Heureusement, les premiers RER étaient déjà là, mais tu m’as quand même proposé, puis insisté pour que je reste dormir chez toi. Tu me laissais ton lit. Je suis quand même partie avec les autres. Une heure plus tard, je t’envoyais des textos pour te remercier de cette soirée. J’essayais d’y insérer toute la chaleur qu’il y aurait du y avoir entre nous. Mais tu ne m’as pas répondu.

Depuis, tu ne m’as jamais plus réinvitée, et moi, je continue de penser à toi dans l’intimité de ce texte. Dans ces lignes, il y a cette part de regret persistante qui a le goût de toi, et tous ces mots qui ne pourront jamais dire à quel point je t’aime.

mardi 27 avril 2010

Confrontation

"Celui qui n'ose pas regarder le soleil en face ne sera jamais une étoile."
William Blake

Mais celui-ci pose les yeux sur les visages éclairés des inconnus qui viennent tourmenter ses nuits. Celui-ci déniche, dans les mots, des diamants qu'il pend à ses colliers de phantasmes. Celui-ci rend les regards plus intenses, les gestes plus tendres, et les rires plus gais. Il embellit sa vie, et la vie de ceux qui le regardent, parce qu'il côtoie celles qui savent rendre la vie plus belle. Il les suivait de loin avant qu'elles ne se retournent vers lui et viennent l'enlacer de leurs bras merveilleux. La joue contre le sein doucereux de ses Images, il ne se nourrit que de leur lait.

Quant à celui-là, à n'embrasser que des Vérités abruptes, il s'en est écorché les lèvres. Son regard a gagné en acuité, mais sa vie ressemble à une vaste étendue déserte et rocailleuse que surplombe un ciel vide, sans oiseaux et sans certitudes. Le soleil a asséché toute sa salive, et il en a perdu le goût et la saveur de la vie. Il ne croit plus en rien et depuis qu'il ne rêve plus, ses nuits ont rejoint les jours, et d'un seul coup, sa vie s'est appauvrie. Celui-là suce des cailloux en attendant la fin.